Témoignage de Madame Anne-Marie Brard en Occitanie
Jusqu'à présent
je ne savais pas grand-chose sur les soins palliatifs. Je pensais cependant
qu‘ils étaient le grand rempart contre la souffrance en fin de vie.
Quand j’ai
appris que mon cousin (92 ans) était transféré de l’hôpital de Tarbes en oncologie
à xxxx et de là à l’étage des soins palliatifs, j’étais soulagée certaine qu‘il
allait mourir dans de bonnes condition. Hélas je n’avais pas compris qu’en entrant
dans le service de soins palliatifs, j’entrais dans le sanctuaire de la déontologie...
Ma descente aux
enfers a commencé ! Que de larmes de révolte versées à son chevet en assistant
à cette lente et terrible agonie où je me suis sans cesse heurtée au refus
obstiné d'agir plus efficacement.
Les infirmières très
attentives ne pouvaient rien faire d'autre que de respecter les décisions du
médecin responsable Madame xxxxxx.
Pour rendre
justice à ce médecin je dois dire qu‘elle s‘est montrée très investie dans ses
fonctions de médecin en soins palliatifs. Apres le décès elle m'a téléphoné pour me dire qu’ils avaient
mis beaucoup de temps à trouver le bon dosage INCROYABLE !
C’est ainsi que
sont passées des heures et des heures de souffrance pour mon cousin et d'une certaine
manière pour moi aussi. ll souffrait tellement qu‘on ne pouvait pas le toucher
ni même le rafraichir par une petite toilette. Il ressemblait à tous ces malheureux
de Buchenwald.
N‘en pouvant plus
devant ce corps et ce visage ravagés par la souffrance, j’ai demandé à
rencontrer le médecin qui était en réunion.
Encore deux longues
heures à attendre !
J’ai enfin été
reçue dans une petite pièce en compagnie d’une infirmière et d’une autre
parente de mon cousin. Et là je me suis retrouvée
au banc des accusés : Je communiquais mon anxiété à mon cousin et je doublais
donc sa souffrance !
Je ne devais pas
utiliser de phrases avec des négations du style « ne t’inquiète pas » car
le cerveau d‘un mourant entend « inquiète-toi » Bref, j'ai eu droit à un
cours de syntaxe !
J‘ai voulu faire
valoir le fait qu'on lui avait remis les dernières volontés de mon parent concernant
sa mort. ll ne voulait pas de réanimation, pas d‘acharnement thérapeutique.
Ce document n'a servi en rien !
Il aurait dû
sans doute préciser qu‘il ne voulait pas qu'on laisse trainer sa mort !
Mais aucun regret,
ce dernier souhait n'aurait pas été respecté puisque madame xxxxxx m’a expliqué
que le code de déontologie dans la médecine en soins palliatifs devait être respecté
et que l’on ne pouvait pas raccourcir les derniers moments de vie.
Et elle a évoqué
St Thomas d‘Aquin !
J’ai alors
demandé que mon cousin bénéficie au moins d’une sédation conformément à la loi Leonetti.
On m’a expliqué
que ce n'était pas possible car il fallait que cela se décide en réunion
collégiale et que de toute façon il ne souffrait pas suffisamment pour en
arriver là.
Suite à cette
demande le médecin m‘a dit que je devais être une partisante de l’euthanasie !
Ce à quoi j‘ai
répondu que pas forcément mais que je trouvais inhumain de laisser mourir
quelqu’un aussi lentement et dans des souffrances inacceptables.
J'ai finalement
obtenu la permission d’utiliser la pompe à morphine quand j'estimais qu'il le
fallait mais pas plus de quatre fois par heure ce qui était dérisoire au stade
où il en était I
Si j’ai choisi
de témoigner c'est parce que je veux alerter les consciences en démontrant que
sous couvert de déontologie on peut devenir dans de nombreux cas les bourreaux
de pauvres agonisants qui n’en finissent pas de mourir la bouche ouverte. De
plus je ne voudrais pas que mes enfants et mes petits-enfants assistent à un
tel spectacle dans mes derniers moments !
Madame Anne-Marie Brard