Un témoignage sur la fin de
vie rédigé par la fille d'une adhérente qui vient de décéder :
Elle était hospitalisée chez moi et a été suivie par
la Croix Rouge pendant les trois dernières semaines. Quinze jours plus tôt,
elle avait appris qu'aucune thérapie n'était plus possible et qu'elle allait mourir.
Les personnes de la Croix Rouge ont fait un travail remarquable : très à
l'écoute et respectueux de ma mère, très présents afin de lui apporter tout le
"confort" possible.
Cependant, un matin, 6 jours avant son décès, ma mère
a retiré le tube d'oxygène et a déclaré que "cela ne valait plus le
coup" : elle ne pouvait plus bouger de son lit, ne pouvait plus descendre
sur un fauteuil regarder les oiseaux s'ébattre dehors, dormait beaucoup, avait de
plus en plus de mal à communiquer, était obligée alors qu'elle n'était pas
incontinente de se laisser aller dans sa "protection". Si elle ne
souffrait pas vraiment physiquement, moralement, c'était effectivement une
grande atteinte à sa dignité.
Évidemment, notre médecin traitant qui était devenu le
sien depuis un mois seulement et le personnel de la Croix Rouge ont expliqué
n'avoir pas le droit de lui faire une piqûre pour qu'elle parte. Mais au-delà
du droit, il était clair que cela les choquait en tant que soignants. Ils ont
tout mis en œuvre pour qu'elle ne "souffre" pas, qu'elle ne soit pas trop
angoissée. Les deux derniers jours, ma mère semblait à peine consciente.
6 jours cela parait peu mais une nuit, elle m'a sifflé
d'une voix à peine audible ce que je crois bien être : "c'est long".
Et effectivement, même pour moi, même alors qu'elle ne semblait pas souffrir,
je trouvais cela insupportable. J'en étais arrivée à souhaiter sa mort pour que
ça s'arrête.
Ces six jours m'ont profondément ébranlée. Je me suis
sentie totalement impuissante. J'ignore aujourd'hui encore si dans un cas comme
celui de ma mère un suicide assisté est la solution.
Je vous livre tout cela car ma mère était une fervente
défenseure de votre association et j'ignore encore si, pour elle, le droit à
mourir dans la dignité voulait dire la faire mourir six jours plus tôt. Je me doute
que chaque cas est unique mais pendant ces six jours j'ai eu le sentiment de
trahir ma mère en toute impuissance. Pourtant il n'y a eu aucun acharnement
thérapeutique.
Je ne suis pas prête à reprendre son flambeau, comme
vous le voyez je me pose plein de questions, notamment sur ce que je ne veux
pas imposer à mes enfants mais sachez que je reste très attentive aux valeurs
que vous défendez.
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