La déclaration des évêques de France du 22 mars 2018, m'incite à
proposer mon modeste éclairage sur ces questions de fin de vie qui nous
concernent tous. Le sens de la valeur "Fraternité" est ici dévoyé à
des fins purement dogmatiques. Depuis 1901 et la séparation de l'église et de
l'état, celle-ci n'a pas à s'immiscer dans le débat législatif. Victor Hugo
disait : "l'état chez lui, l'église chez elle" !
Tous les ressorts de la mauvaise foi sont convoqués dans
l'argument suivant, je cite les évêques : "l'état pourrait-il se
contredire et faire la promotion, même encadrée, de l'aide au suicide, tout en
développant des plans de lutte contre le suicide". Ce faux paradoxe, cet
ubuesque artifice semble émaner de cerveaux retors. Si j'ai bien compris, dans
la même optique, je dirais : "comment l'état peut-il lutter en même
temps contre la faim et contre l'obésité" ! Absurdité à méditer. Ceci
constitue un véritable camouflet à notre intelligence !
La transgression de l'impératif civilisateur, "tu ne tueras
pas", est avancée.
Mais, de quoi parle-t-on ? D'aider à mourir par suicide
assisté des personnes en fin de maladies incurables, en proie à des souffrances
insupportables, à la suite de leurs demandes réitérées et validées par un
collège de médecins. Où est l'homicide ? Les évêques vantent les nouvelles
dispositions de la loi "Léonetti/Claeys" de février 2016 qui prône un
endormissement quelques jours avant la mort naturelle. Problème : comment
peut-on entamer ce sinistre décompte à partir d'une date (mort naturelle)
inconnue de tous ? Il faut savoir que ce sordide protocole, s'achève par
la vue de corps dénutris, décharnés, dont on nous disait, par le passé, qu'ils
ne souffraient pas, avant de reconnaître une parfaite méconnaissance de
certains paramètres. Je tiens pour coresponsables la hiérarchie catholique dans
les actes de tortures et de barbarie infligés à mon enfant. Monsieur le député
Jean Léonetti nous a auditionnés en 2008 à l'Assemblée Nationale, au sein de la
commission d'enquête parlementaire. Il a qualifié dans son livre "à la
lumière du crépuscule", la mort de mon fils de "laisser
crever" ! Par quel Dieu, la hiérarchie catholique se croyait-elle
missionnée pour avoir condamné (par son insistance à nous empêcher à légiférer)
mon fils qui ne pouvait plus vivre (coma végétatif de 8 ans 1/2) à une double
peine, celle de ne pas avoir le droit de mourir et celle de subir une agonie
cauchemardesque, sans sédation ! Il devenait évident pour moi, que les
religions étaient l'antithèse de l'amour, de la foi et de la compassion.
Comment leur pardonner les 8 ans 5 mois et 12 jours de douleur de mon fils avec
un retour à la vie impossible, avéré par IRM. Imaginez un jeune homme
inconscient, trachéotomisé, nourri par sonde gastrique qui, déglutissant à
minima, s'étouffait chaque jour dans ses propres glaires. C'est le lot de
nombreux patients et cette situation, avec les progrès de la réanimation va
empirer. Nous serons laissés pour compte, abandonnés à la frontière de la
mort. Les victimes
collatérales des progrès de la réanimation deviennent ainsi des objets
d'expiation du péché originel pour "les ensoutanés"
de toutes obédiences. Voilà un vivier inépuisable de sacrifiés des temps
modernes ! Ces drames sont stigmatisés et sous évalués. C'est, en fait,
juste la partie émergée de l'iceberg.
Partout et de tout temps, le dolorisme fut érigé en vertu chrétienne. Ce fonds
de commerce est très ancien qui, dans la genèse 3.16, commande aux
femmes : "tu enfanteras dans la douleur" !
La pathétique étude (journal Libération du 28/02/2014) de l'équipe
clinique de l'hôpital Cochin, sur le cas de 25 enfants,
nourrissons grands prématurés non viables, est à cet égard édifiante. Elle est un cri de douleur lancé par
des parents, infirmiers, médecins, psychologues : "on
a vécu l'enfer", "on arrivait plus à y aller", "cela a duré
18 jours", un médecin avoue : "au bout de 8 jours, la tentation
de l'euthanasie devient lancinante"..... "dès que la peau se dégrade,
c'est insupportable" !
La tentative d'opposition de l'église aux dons du Téléthon a été
une nouvelle manifestation de leur obscurantisme (source Golias du 2/12/2006).
La propension des hauts dignitaires religieux à décliner, à
l'absurde, l'inoxydable commandement "tu ne tueras pas", me pousse à
analyser en situation, l'application de celui-ci par l'église.
La mise en perspective de la notion de justice des évêques.
Passons sur 2000 ans de massacres, croisades, guerres de
religions, soutiens de nazis en fuite, shoah rwandaise, j'en passe et des
pires, pour regarder plus près, très près, dans le temps et dans l'espace ce
qu'il en est aujourd'hui. Combien de vies sont raflées par l'injonction faite
aux chrétiens, surtout à ceux qui n'ont pas la chance d'être instruits, de
proscrire le préservatif. Cette interdiction, surtout en Afrique subsaharienne,
cause de très nombreux décès, dont d'innocents bébés.
L'histoire de l'église catholique contemporaine est jalonnée
des "gestes
fratricides". La pédophilie des prêtres dénoncée grâce à
un mouvement mondial, reléguée en France par les initiateurs de "la parole
libérée", reste impunie. Le chapitre 2 de l'enseignement des 12 apôtres
commande pourtant : "tu ne souilleras point les enfants" !
Le vrai problème réside dans l'attitude
protectrice des criminels qui, pour la plupart, ont avoué
leurs crimes. La hiérarchie catholique use de stratagèmes aussi divers qu'offensants pour
la communauté des vivants (voir le documentaire du 21/3/2018 sur fr3 "un
silence de cathédrale" de Richard Puech encore visible sur le net.
Egalement à lire aux éditions J.C. Lattes "l'église, la mécanique du
silence"). On peut entendre : "il n'y a pas de péchés sans
miséricorde". Or, le pardon n'a rien à faire en matière criminelle. La
pédophilie est un crime et relève de la justice. Les criminels sont affectés
dans différentes paroisses où certains récidivent. L'un d'entre eux a même été
déplacé au Vatican.
En 2000, l'évêque du Calvados, Mgr Piquant, écope de 3 mois de
prison avec sursis pour avoir couvert les actes pédophiles d'un abbé. A la
question des journalistes, sur le parvis du palais de justice :
"aujourd'hui le dénonceriez-vous ?", la réponse fut courte et
incisive : "non !". Un mois plus tard, il se rend à l'assemblée
plénière de Lourdes ou il reçoit une " standing ovation" comme héros qui a résisté à
la justice de la République !
Dans la présente déclaration des évêques est insinué que la
justice ferait preuve de subtilités juridiques pour étouffer les problèmes de
conscience. Il est à parier que celle-ci se montrera moins subtile avec le
Cardinal Barbarin au mois d'octobre 2018. Elle n'a en effet que moyennement
goûté l'humour du personnage. Mrg Barbarin s'était épanché publiquement sur les
vertus salvatrices de la prescription : "grâce à Dieu, les faits sont
prescrits" ! Il n'a écopé pour l'instant que d'un sermon au cours
d'un procès canonique d'un autre âge. Cette manoeuvre dilatoire était juste un
écran de fumée.
Une autre tactique consiste à créer de véritables zones de non
droit. L'affaire de Tuam en Irlande, en est une illustration parfaite
(Sources : journal "le monde" du 14/6/2014 sous le titre
"les fantômes du couvent hantent la ville irlandaise de Tuam" ;
journal "le Figaro" ; journal "le Parisien" et journal
"l'Express"). Les
cadavres de 796 bébés de 0 à 3 ans ont été découverts dans
la fosse commune du couvent de Tuam. Nous devons aux travaux d'une historienne
locale, Madame Catherine Corless, d'avoir étudié et divulgué cette affaire. Ces
bébés étaient nés hors des liens sacrés du mariage et, maltraités, ils
mouraient très jeunes. Ils étaient alors jetés sans sépultures dans une
fosse commune. Il s'agissait du si mal nommé "home des soeurs du bon
secours". Jusqu'en 1960, les futures mamans étaient contraintes
d'abandonner leurs enfants, fruits du péché. L'adoption ou la vente forcée
d'enfants à de riches couples américains étaient l'usage. Cette affaire a
inspiré le réalisateur Stephen Fears pour son film "philoménia" de
2013. Des témoins encore de ce monde ont témoigné de ces horreurs. Le journal
"the guardian" du 4/6/2014 s'interroge à savoir si ces pratiques
étaient isolées. Ce "home" était une congrégation de droit pontifical
donc, seul le Pape peut intervenir. Malgré des saisines diverses et variées de
survivants et d'institutions, rien ne bouge et le Vatican, se terre dans le
silence. Voilà un bon moyen de ne pas être obligé d'avoir recours à la
subtilité de la justice.
Leurs arguments contre une nouvelle loi sur la fin de vie.
Les évêques nous apostrophent sur l'urgence de prendre conscience
des manipulations dont nous pourrions être victimes. J'appuie cette mise en
garde en soulignant que différentes plateformes gouvernementales et autres
présentent les enjeux du débat éthique amorcé par les "états
généraux" sur la bioéthique.
La hiérarchie catholique mentionne que "les blessures du
corps individuel sont des blessures du corps social" sans jamais le
démontrer or, on pourrait aussi bien imaginer que l'intelligence sociale serait
une sorte d'articulation entre l'individu et le collectif.
La loi que nous espérons est une
loi de liberté, elle ne contraint personne.
La parole de ceux qui demandent l'aide active à mourir est
décrédibilisée. Les patients sont culpabilisés, infantilisés. Le refus
d'accéder à leur requête serait motivé par l'isolement dont souffriraient ces
patients et par leur discernement qui serait altéré par la souffrance.
Les évêques dénoncent l'aide active à mourir comme étant, non pas
un geste compassionnel et légitime mais, un geste fratricide. Ils s'opposent
ainsi à la grande majorité des français, aux 2000 médecins signataires du
manifeste pour l'euthanasie, aux philosophes, aux sociologues travaillant sur
ce sujet, comme Philippe Bataille.
Dans notre pays qui est de culture et de tradition chrétienne,
l'attitude psychorigide de notre religion, aussi bien en matière de bioéthique
que dans d'autres domaines sociétaux, conduit à une véritable désaffection des
fidèles. Ainsi, une guerre de religion moderne qui tait son nom, laisse
profiler l'apparition inquiétante d'autres obscurantismes, bien plus cyniques
et cruels que ceux que nous connaissons déjà.
Selon
"psychologie magazine BVA", on pressentait depuis une vingtaine
d'années, que religion et spiritualité ne se confondaient plus.
Un bon tiers d'entre nous vit déjà une spiritualité à échelle
humaine qui répond à nos questionnements métaphysiques et à nos
aspirations : la première est celle de la recherche silencieuse du
sentiment unique d'exister ; la seconde est celle de se sentir reliés au
monde et aux autres.
C'est par introspection que j'ai trouvé Dieu et chaque jour je lui
adresse cette prière :
" Mon Dieu, délivrez-nous des
religions" !
Source :
http://parents-herve-pierra-fin-de-vie-loi-leonetti-euthanasie.over-blog.com/